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BéNéFICIAIRES

Pionnière, la régie de quartier Les rayons vient de lancer la première filière de valorisation de cagettes en peuplier d’Ile-de-France. Collectées sur les marchés par Sadok et son équipe, elles sont transformées par Youssouf en broyat destiné au paillage des espaces verts. un projet soutenu par le FAPE EDF.


Stains, 5 décembre 2024. Galère dans les transports en commun. Petit matin frisquet et pluvieux. Rien d’engageant à la base. Et pourtant. La matinée se révèle lumineuse et chaleureuse grâce à l’accueil soigné offert par les encadrants des Rayons et à notre rencontre avec Youssouf et Sadok, salariés en insertion. 

Rendez-vous sur le bien nommé site Angela Davis, connue pour son engagement en faveur des droits humains. Le ton est donné. L’allée est bordée de big bags remplis de copeaux de cagettes. Dommage qu’ils soient gorgés de pluie, on aurait volontiers plongé la main dedans tant ces petits copeaux blonds paraissent doux. Au fond s’ouvre le hangar dans lequel est entreposé le stock de cagettes à broyer aujourd’hui. Aux manettes du broyeur se trouve Youssouf, masque sur le nez et casquette de rigueur pour se protéger des poussières : on ne plaisante pas avec le port des EPI (Équipement de Protection Individuel). « D’abord, je retire les étiquettes de la cagette pour ne conserver que le bois brut. Ensuite, je la dépose sur le tapis roulant de la machine. A l’intérieur, il y a une sorte de rouleau avec des dents qui écrasent la cagette. C’est ça qui forme le broyat. Après, la machine va faire un tri pour écarter les copeaux qui contiennent les agrafes métalliques et conserver uniquement la partie bois qui est déversée dans le big bag positionné en dessous ».

La fierté retrouvée

En insertion aux Rayons depuis dix-huit mois, Youssouf, regard intense et profond, est intarissable sur son activité. Jean-Michel, son encadrant technique, explique d’ailleurs que « Youssouf est notre chef pro de la cagette. C’est le plus fort de l’équipe. Je l’ai mis sur cette activité parce que c’est vraiment un travail qui lui plaisait. Il a bien accroché et s’est investi ». Un engagement et une compétence nouvelle qui lui valent aujourd’hui d’exercer sa mission en toute autonomie. Ce qui lui plaît ?

Je joins l’utile à l’agréable, parce que c’est une activité enrichissante même si elle mécanique et répétitive. J’aime bien faire un travail qui sert à l’environnement. Travailler aux Rayons, avoir une activité, ça me donne une sorte de routine, un quotidien bien organisé. Le soir quand je rentre, j’ai le sentiment d’avoir été utile et productif. Ca booste ma confiance en moi, ça me procure de la fierté.

Chercher sa voie

Youssouf a une petite vingtaine d’années. Après le Baccalauréat, il se lance dans une licence de droit, mais ça ne lui plaît pas et il arrête au cours de la deuxième année. Commence alors pour lui un parcours professionnel erratique. La bonne volonté seule ne suffit pas aux yeux des employeurs, il faut aussi avoir de l’expérience. Or comment s’en faire une si on ne nous donne pas la chance de se lancer ? En 2021, Youssouf suit une formation en médiation numérique pendant cinq mois et enchaine sur une mission en service civique durant huit mois. « Après, j’ai eu une longue période de blanc. J’ai enchainé les petits boulots : nettoyage, mise sous emballage de chocolats… Mais j’ai été licencié. Avant d’arriver aux Rayons, j’étais au chômage depuis un an. Actuellement, je suis un peu dans une sorte d’errance ; je cherche ma voie professionnelle. La régie m’aide pour y arriver ».

Pouvoir compter sur les collègues

A ses côtés exceptionnellement aujourd’hui, il y a Sadok, chef d’équipe collecte sur les marchés, venu en renfort. C’est lui qui opère le tri pour écarter les cagettes qui ne sont pas en peuplier et qui ne peuvent donc pas être recyclées. Complices, on sent que Youssouf et lui forment un binôme qui fonctionne bien. Leurs quelques vingt-cinq ans d’écart ne les gênent en rien. Ils apprennent l’un de l’autre et se respectent. Arrivé aux Rayons il y a un an en tant que semi-cadre, Sadok a connu un parcours hétéroclite : il a travaillé en imprimerie, pour le métro, dans le bâtiment, etc.

J’ai tout fait, en fait. Je suis passé par pas mal de trucs pas faciles. Ici, je suis heureux, entouré de gens que j’apprécie. J’essaie de faire ma place et de bâtir mon projet professionnel. Mon objectif, à la fin de mon contrat, c’est de trouver un emploi de chef d’équipe. Je montre que je suis capable et motivé. Je suis toujours ponctuel, très sérieux dans mon travail. Je suis fier de ce que je fais aux Rayons. Quand je rentre à la maison, je raconte ma journée à ma famille, comment ça s’est passé au marché, le compte-rendu que m’a fait Jean-Michel, etc.

Cela paraît peu de choses, mais c’est une belle victoire lorsqu’on a connu le chômage et les journées vides.

De la gratitude envers les donateurs du FAPE EDF

Quand on leur explique la genèse du FAPE EDF, Sadok trouve que « c’est une très bonne idée que des salariés et des retraités d’EDF donnent de l’agent pour les gens qui sont en insertion. Ca dit quelque chose. C’est magnifique ». Quant à Youssouf, il se veut rassurant : « Dites à vos donateurs de ne pas s’inquiéter. Moi je me plais à la régie. C’est une sorte de seconde chance offerte aux gens comme moi qui sont un peu perdus professionnellement. Ca permet de faire des formations en plus de l’emploi qu’on occupe. On acquiert aussi de l’expérience. Et puis grâce aux Rayons, j’ai pu passer le CACES [Certificat d’Aptitude à la Conduite d’Engins en Sécurité]. Ca me servira pour la suite. En quittant la régie, je ne partirai pas les mains vides. Pendant mes deux années d’insertion, j’aurai acquis des compétences, de l’expérience. J’ai aussi eu l’opportunité de faire des stages d’immersion dans le numérique. Ca va me permettre de me grandir professionnellement ».

Difficile de prédire l’avenir. Mais une chose est certaine, Youssouf et Sadok ont repris confiance en eux, trouvé un soutien qui les rend plus forts. Souhaitons-leur le meilleur pour la suite.