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Anissa et Wadii, en insertion chez ACTUS, témoignent de leur parcours


A Tarascon-sur-Rhône (13) œuvre une association unique en son genre. Créée en 2011, ACTUS – Association Chevaux de Traits d’Union Sociale – est un chantier d’insertion dont l’éthique est l’insertion professionnelle par le cheval. Fin 2024, avec le soutien du FAPE groupe EDF (10.000 €), ACTUS a acquis deux juments et une remorque.

Tarascon, 9h30 un matin d’été. Au sortir de la gare quelques personnes attendent le bus. Dans les arbres commence à bruisser la mélodie des cigales. Au loin, un bruit de sabots martelant le bitume résonne. C’est mon carrosse qui arrive. L’équipe d’entretien des espaces urbains d’ACTUS vient me chercher avec Kalie et Kaline, les deux nouvelles juments. Direction les bureaux et les écuries. C’est Audrey, encadrante cochère, qui conduit l’attelage et éduque ces deux jeunes recrues. Il faudra compter environ deux ans pour qu’elles soient parfaitement à l’aise dans leur mission de traction d’une remorque en milieu citadin, explique-t-elle. Deux ans, c’est aussi la durée maximum d’un contrat d’insertion.

ACTUS a été créée par Gérard Ginsburger, ancien maréchal ferrant. « ACTUS propose des prestations d’entretien des espaces verts et urbains en mobilité douce. On intervient prioritairement sur le territoire de Tarascon, Saint-Martin-de-Crau et Arles. Actuellement, nous accompagnons une vingtaine de salariés en insertion. Ils sont en production vingt heures par semaine et bénéficient de six heures d’accompagnement hebdomadaire. Tous les quinze jours, ils suivent notamment une formation de 2h30 en remise à niveau sur les savoirs de base ».

Chez ACTUS, les profils sont variés et plutôt masculins du fait de la nature des activités proposées. Exception à la règle, nous rencontrons Anissa, petite brindille d’1m50 environ et poids plume. La jeune femme de 26 ans parle sans détour. « C’est à cause d’une punition que je suis arrivée ici en février 2025 : j’ai été condamnée à un mois de travaux d’intérêt général ». L’expérience et le travail avec les chevaux lui plaisent. Elle est alors embauchée en insertion. « Je m’occupe des paddocks, je fais le ménage dans deux salles de classe et puis je fais la collecte de déchets et d’encombrants. Souvent, les habitants nous remercient de nettoyer leur quartier ». Leur reconnaissance lui fait plaisir, elle confie avoir l’impression d’aider à entretenir leur cadre de vie. Et puis, elle trouve une forme d’apaisement auprès des chevaux. Elle n’est pas la seule : « Dans la rue, tout le monde nous salue. La présence des chevaux dans la ville rend Tarascon spéciale ».

« Être chez ACTUS, ça ne m’a apporté que du positif ». Avant ACTUS, Anissa a connu l’instabilité. En filigrane, elle nous laissera comprendre que la vie l’a rudoyée et qu’elle a vécu une enfance et une jeunesse chaotiques. « Je n’arrivais pas à garder de travail. Là, je suis contente de me lever le matin. Je suis motivée. J’aime bien mes collègues. Tout le monde se respecte ». Découvrir qu’elle est capable de travailler, voilà ce qu’elle a conquis chez ACTUS. Ce n’est pas rien. D’autant qu’elle y bâtit aussi son projet professionnel pour l’après. Pour elle, c’est clair : elle aimerait devenir éducatrice d’enfants. « J’ai toujours voulu faire ça, mais jusqu’ici je ne me sentais pas en capacité. Au mois d’octobre, je passerai mon BAFA. Chez ACTUS, j’ai repris confiance en moi et je suis accompagnée pour y arriver ». Lucide, elle sait qu’ACTUS « c’est une transition qui me donne toutes les cartes. Après, c’est à moi de jouer. Sans ACTUS, je serais chez à moi à ne rien faire de la journée et à déprimer. J’ai eu de la chance ».

« C’est le FAPE qui a payé les juments et la remorque ?! ». Anissa trouve ça formidable que, grâce aux salariés et retraités du groupe EDF, ses collègues et elles aient de nouveaux équipements. « Heureusement qu’il y a des gens comme vous qui donnent des fonds aux associations. Comme ça, nous, on a un travail »

Compliqué également, le parcours de Wadii est cependant tout autre. Par le passé, il a travaillé dans la restauration. Aujourd’hui, Il cherche un emploi comme agent de sécurité et en parallèle il est photographe et réalise des clips vidéo pour des artistes de la région. Un domaine où la précarité domine. Il est chez ACTUS depuis début 2025. « Je suis content : j’ai de nouveau un revenu et j’acquiers de nouvelles compétences ». Comme Anissa, il est polyvalent et missionné sur toutes les activités. Son projet professionnel demeure clair : travailler dans la vidéo et l’image. Il se démène pour y arriver, même si ce n’est pas facile de se faire un nom et d’émerger. Dans son discours qui se veut dynamique et résolu, on sent néanmoins poindre de la lassitude devant les difficultés qu’il rencontre. Pour aller de l’avant, il est en train de voir comment monter sa micro-entreprise avec l’aide de Rachida, l’accompagnatrice socio-professionnelle d’ACTUS.

Quand on lui demande à quoi il aspire pour l’avenir, Wadii nous répond « avoir une vie simple, ne pas devoir regarder les prix et être entouré de personnes qui m’aiment et sur qui je peux compter ». Se serrer la ceinture constamment, avoir des arriérés de loyer, ça use. Ne pas trouver un travail pérenne aussi : « Récemment, avec Rachida, j’ai postulé sur vingt-neuf offres d’emploi et j’ai reçu autant de refus. Ça met un coup au moral ». Sa jeunesse demeure malgré tout un atout et il reste motivé.

Gérard Ginsburger, directeur, et son adjointe, Anouk Pingeot constatent que désormais les salariés en insertion restent chez ACTUS plutôt entre 18 et 24 mois, là où avant c’était plutôt 15 mois. « Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs cumulés (situation globale du marché de l’emploi et particularité de notre territoire, aggravation des problématiques sociales et de santé des personnes accompagnées). On garde espoir malgré tout. On sait que les gens ressortent de chez nous en meilleur état, avec une estime de soi restaurée, une envie de retrouver un rythme de travail, une vie active », indiquent-ils.